La démocratie verte à la sauce brune

Dimanche 6 février, le débat démocratique a connu un épisode très glauque à l’intérieur du bureau politique de la Convention Démocratique et Sociale, CDS, l’ancien grand parti de Mahamane Ousmane, grand perdant des élections de 2011. Numéro 3 de la vie politique, le part vert s’est littéralement effondré, avec 8,5 % des suffrages aux présidentielles, deux députés et 457 conseillers municipaux.

Ce dimanche 6 février, le bureau politique de la Convention Démocratie et Sociale (CDS)-Rahama se tient, comme tous les dimanches matin, au quartier Zabarkane, dans une villa un peu vieillotte, avec une cour qui sert de mosquée, sous les manguiers. Le climat est houleux au sein d’un parti dont la réputation démocratique forçait le respect de tous. Le revirement du président-fondateur Mahamane Ousmane, qui vient de rallier tout récemment le camp de l’ancien Premier ministre MNSD Seini Oumarou, après avoir signé un pacte solennel en grande pompe, cinq mois plus tôt, avec le leader de l’opposition, Issoufou Mahamadou, a du mal à passer. Beaucoup de cadres, qui ont combattu depuis près de deux ans la violation de la Constitution par le président Tandja Mamadou, au sein de la Coordination des Forces Démocratiques pour la République, veulent réaffirmer leur soutien aux forces démocratiques.
Je connais Aïchatou Ben Wahab depuis mon premier séjour au Niger en 2002. Elle est la présidente des femmes de la CDS, une militante acharnée. Elle a été de tous les combats démocratiques du Niger au sein de son parti.
Dimanche, parce qu’elle avait pris position publiquement contre le choix de son président, elle a été molestée et frappée par des jeunes, dont certains sont membres du mouvement des jeunes du parti. Un acte incroyable dans un pays comme le Niger, où l’on ne s’en prend pas aux femmes et encore moins à une grand-mère, une Hadja. Qui peut agir ainsi ? Poussé par quelle haine, quelle volonté de vengeance ?
« Elle nous a provoqués avec son pagne aux couleurs de Mahamadou Issoufou. Elle a insulté les militants », tentent d’expliquer certains. « Elle a violé les textes du parti et on ne pouvait pas accepter qu’elle vienne encore siéger au bureau politique», insiste un autre, niant les violences subies par Mme Ben et expliquant qu’il s’agissait seulement de « la raccompagner vers la sortie ».
« Ils m’ont tirée par les épaules et, une fois dehors, ils m’ont jetée à terre et tabassée. Les autres se sont adossés à la porte du bureau politique pour empêcher les gens de sortir. Les femmes criaient. Mon mouchoir de tête est tombé. Ils m’ont serré le cou par le foulard, l’un tirant à droite, l’autre à gauche et j’ai perdu connaissance. Quand j’ai rouvert les yeux, j’ai vu Halidou (l’un des membres du bureau politique) en train de mettre un coup de poing à l’un des jeunes. » Mme Ben a porté plainte contre les jeunes nervis. La justice recherche les auteurs de cette attaque. En tous cas, le président Mahamane Ousmane n’a pas trouvé le temps, depuis près de deux semaines, de téléphoner à la présidente des femmes de son parti pour s’enquérir de sa santé. Est-ce cela qui emplit Mme Ben de tristesse, au moment de dormir ? Ou le fait que le parti le plus démocratique du Niger soit devenu le théâtre de brutalités aussi méchamment navrantes ?
Ce soir, cinq des huit vice-présidents de la CDS ont publiquement défié à nouveau l’autorité du président Mahamane Ousmane. Demandant des sanctions contre lui, pour le très mauvais score enregistré cette année, ils ont appelé à voter massivement pour le candidat socialiste. Mme Ben est convalescente : elle a suivi ça à la télévision.

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