Ce soir, la fada (réunion de copains autour d'un verre de thé) s’est élargie à deux nouveaux membres : Aziz et Boureima, très remontés contre l’actualité de la mi-journée. Aziz, ex sympathisant de la Convention Démocratique et Sociale, est cadre commercial, Boureima, indépendant, est entraîneur de football. Depuis ce midi, ils ne décolèrent pas. En effet, les alliances tissées patiemment depuis plus d’un an et célébrées en grande pompe en juillet viennent d’éclater. A la surprise de la plupart des Nigériens, les anciens frères ennemis du parti Etat, MNSD et Lumana, et leurs anciens alliés de la dernière décennie viennent de se regrouper au sein d’une nouvelle Alliance pour la Réconciliation Nationale. Bref, l’union sacrée contre Mamadou Tandja est devenue un axe anti Mahamadou Issoufou, ce dernier ne comptant plus, pour le moment, que l’Alliance Nigérienne pour la Démocratie et le Progrès (ANDP) à ses côtés. Cette recomposition spectaculaire peut se résumer comme suit : les partisans de la continuité, du retour à l’ordre ancien, d’avant le coup d’Etat, et ceux qui souhaitent la rupture, dans le sillage du changement amorcé par le militaire Salou Djibo le 18 février dernier. « Cette alliance de la honte, c’est celle de tous les Nigériens qui ont des dossiers. Ils veulent continuer à gouverner comme s’ils étaient nés pour nous gouverner et nous pour être gouvernés », s’insurge Boureima. « Comment des gens qui se disent démocrates et responsables peuvent refuser de s’incliner devant un arrêt du Conseil Constitutionnel ? C’est une alliance contre nature », juge Aziz, écoeuré. « Ces gens se sont toujours unis et séparés en queue de poisson, guidés par leurs seuls intérêts personnels et familiaux, complotant sur le dos de l’Etat. » Non, il ne mangera pas de ce plat-là. « Mahamane Ousmane, Hama Amadou, sans le coup d’Etat, ils ne seraient même pas à Niamey. Ils ont la mémoire courte », renchérit Boureima, pour qui « Issoufou est le seul qui respecte Salou Djibo. » Boubé, lui, depuis hier, s’est décidé : il est revenu au Mouvement National pour la Société de Développement (MNSD) du président Tandja. Il avait besoin d’un ordinateur. Le MNSD lui a donné un ordinateur. Il est convaincu. Comme Djibo, militant de toujours du MNSD, il se réjouit. « C’est une bonne alliance parce que nous sommes les intellectuels de ce pays ; on connaît bien le Niger et on a beaucoup d’expérience. On reconnaît nos torts, on a fait des erreurs mais, cette fois, c’est du sérieux. Tandja a dirigé le pays comme sa propre maison et ce n’est pas bon. Dieu merci, il est en prison. La justice décidera de son sort. Salou Djibo, on le remercie car il nous a fait prendre conscience qu’il fallait changer. » « Avec cette alliance, renchérit Djibo, on est sûrs de gagner. »